Jacques Julliard, qui officiait au Nouvel Obs, arrive donc à Marianne...
Et c'est bien symptômatique d'une époque...
C'est Maurice Szafran, le directeur de Marianne qui le dit lui-même : " Il n’a cessé d’être mêlé à l’histoire de la gauche française : il a voulu la mort de la première gauche (mitterrandiste) et il a fini par reconnaître l'échec de la deuxième (rocardienne), dont il fut un des principaux animateurs comme essayiste politique prolifique et responsable des revues Faire et Interventions. "
J'ai été contente quand voici un an environ Julliard a fait son aggiornamento ! Oui, j'étais contente ! Mieux vaut comprendre tard que jamais.
Mais là franchement, je suis colère colère ! Juilliard a pensé à côté de la plaque pendant 20 ans, il est de ceux à cause desquels nous avons la Gauche que nous avons, il est de ceux grâce auxquels nous avons le monde que nous avons où le néolibéralisme règne en maître avec tout ce que nous supportons depuis 30 ans de chômage de masse, de désindustrialisation, d'abandon de souveraineté au profit des puissances d'argent, d'inégalités grandissantes, etc... et la prise de conscience tardive qu'il a eu des dégâts commis par ce qu'il prônait lui ouvre les colonnes d'un magazine estimable parce qu'il ne se sent plus d'appartenenir à une rédaction qui, elle, n'a toujours pas compris ! Et bah merde à la fin ! Oui, ce n'est pas poli, oui ce n'est pas gentil, comme il n'est pas gentil de souligner l'âge de ce monsieur, 77 ans....
Julliard s'est trompé, Juilliard a été le plus fidèle soutien de la deuxième Gauche ou si l'on préfère de la Gauche libérale et.... Juilliard ne rentre pas dans un trou de souris???? Il veut que je lui fasse parvenir le dernier rapport de l'INSEE?? Il ne prend pas une retraite légitime, bourrelé de remords?? Il cause encore??
J'avais posé une question à Jean-François Kahn quand je l'avais rencontré en 2006....Ca manquait un peu de délicatesse, j'en ai bien conscience....
"Pascale Fourier : Dernière question: est-ce que l’on doit attendre avec beaucoup d’impatience que la génération des soixantuitards meure ?...."
Jean-François Kahnn : Oui, d’ailleurs la dernière génération est en train de secouer cela. La génération des soixantuitards, c’était les plus dynamiques. Quand on a vingt ans, il est plus logique d’être soixantuitard que jeune Giscardien quand même. Donc c’était les plus dynamiques, c’était ceux qui avaient des idées, les plus imaginatifs, et souvent les plus talentueux….et ils ont pris le pouvoir. C’est très bien, ils ont pris le pouvoir dans la presse, dans la publicité, dans l’économie, dans la politique. Et puis beaucoup d’entre eux, à partir du moment où ils ont découvert le pouvoir, la puissance, un peu l’argent, ont évolué et sont devenus les nouveaux maîtres, exactement comme les révolutionnaires de 1830 étaient devenus les nouveaux maîtres en 1848. C’est classique. Eh bien non! Maintenant, je pense qu’en effet il faut que ces gens soient remplacés, c’est clair."
Je ne lui faisais pas dire....
Quand donc nos pères, ceux devenus adultes en 68 et avant, comme c'est le cas de Juilliard, nous laisseront-ils enfin la main, à nous nés après 68? Quand donc cesserons-nous de supporter leurs errements, leurs fautes, leurs cadres intellectuels qui empêchent de penser tout changement? Quand donc nous permettront-ils enfin de penser le monde et de le faire changer? Julliard écrit bien... N'y a-t-il décidément aucun journaliste de 40 ans, de 30 ans qui le vaille? Serons-nous donc toujours considérés comme des enfants inférieurs à nos pères?
Chaque jour j'aime plus Maurice Kriegel-Valrimont, ancien Grand Résistant, rencontré quelques semaines avant le référendum de 2005, pour lequel j'avais tourné une petite question faussement innnocente afin qu'il me dise ce qu'il pensait de ce référendum...
"Pascale Fourier : Pour vous, quel est le cadre dans lequel doit s’exprimer, justement, cette souveraineté populaire, cette capacité de chacun des citoyens à s’exprimer ?"
Et Maurice Kriegel-Valrimont m'avait répondu, ayant parfaitement compris le sens sous-jacent de ma question... : " Sur ce plan, je passe le relais... Je vais avoir très rapidement 91 ans, ce n’est pas à moi de le dire... J’ai le droit d’avoir une opinion là-dessus, mais cela dépend des gens qui vont faire la suite. En 1944, nous avions 30 ans, et nous avons fait ce qu’il y avait à faire, y compris sur le plan que vous évoquez. Maintenant, c’est à ceux qui ont 30 ans de le faire. Et non seulement je ne prétends pas leur dicter ce qu’ils ont à faire, d’une certaine manière je me l’interdis parce que c’est à eux que ça appartient. En ce qui me concerne je n’ai pas de doutes au sujet du fait qu’ils trouveront les solutions adéquates. "
Maurice Kriegel-Valrimont était un vrai père... de ceux qui laissent exister leurs enfants, lui.
Moi je le dis, vive la retraite à 60 ans !