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Jacques Nikonoff : "L’européisme est à l’Europe ce que le nationalisme est à la nation"

Ce que j'aimais bien chez Jacques Nikonoff, souvent interviewé dans Des Sous, c'est son art de la formule qui dessille les yeux... Et dans son dernier discours, une formule éclairante, il en a une belle, qui à la fois désacralise la notion d'Europe, et revalorise celle de Nation...

Car l'européisme, cette volonté de placer l'Union européenne au-dessus de toute chose, de la sacraliser,  est, je le crois, la vraie plaie de la pensée actuelle. Une plaie qui obère les capacités de penser une alternative, de comprendre les enjeux internationaux au niveau mondial, une plaie qui pousse à l'impuissance et au renoncement à la démocratie...

C'est vilain, très vilain de ne pas sauter sur sa chaise en criant "L'Europe, l'Europe, l'Europe" ! D'accord, mais alors rendez-vous dans 50 ans, peut-être moins, quand nos pays auront été économiquement dépecés, nos systèmes de protection sociale détruits,  notre industrie réduite à néant, et la place de notre continent dans l'équilibre économique et géopolitique mondial perdu à jamais... L'Union  Européenne peut mener une autre politique que néo-libérale, une politique plus soucieuse des citoyens que des banques et des firmes multinatinales : prouvez-le moi !

En-dessous, vous trouverez une partie du discours de Jacques Nikonoff. Le texte en entier est là : http://www.m-pep.org/spip.php?article1956. Il y décortique un article du Monde sur les risques liés à la sortie de l'Euro d'un pays "périphérique"...  et en profite pour à nouveau sortir une formule ébourrifante ... A lire !

Discours de Jacques Nikonoff du 17 Décembre

Mesdames et messieurs,

[...]

Les citoyens attendent des réponses claires, crédibles, convaincantes pour sortir de la crise.Voilà à quoi la gauche de gauche – la vraie gauche – doit consacrer toutes ses forces.

Car les étrangleurs sont de retour.Les étrangleurs, ce sont ceux qui bâillonnent la liberté de pensée et d’expression et qui étouffent la démocratie.Les étrangleurs, ce sont ceux qui ont colonisé les grands médias en 1992 au moment du traité de Maastricht pour convaincre le bon peuple qu’il fallait voter « oui » à l’euro.Heureusement, il y a eu le « non » de gauche à l’euro, et ce « non » a failli l’emporter.


Les étrangleurs, ce sont ceux qui ont colonisé les médias en 2005, lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, en essayant de convaincre qu’il fallait, une nouvelle fois, voter « oui ».
Heureusement, il y a eu la victoire du « non » au sein de laquelle le « non » de gauche a été décisif.
C’est alors que la démocratie a été étouffée : les gouvernements et l’Union européenne n’ont tenu aucun compte du résultat des urnes.
Comment s’appelle un régime politique qui bafoue la souveraineté populaire ? Cela s’appelle une tyrannie.
Une dictature.
L’Union européenne est un système tyrannique et dictatorial.


Ceux qui ont voulu bâillonner toute pensée critique en 1992 et en 2005 – les étrangleurs - sont de retour aujourd’hui.Ils organisent une gigantesque campagne idéologique d’affolement de la population autour de la question de l’euro.Les mêmes qui avaient défendu le « oui » aux référendums de 1992 et de 2005 restent cohérents, ils poursuivent leur basse besogne en menaçant du chaos si des pays de la zone euro abandonnaient la monnaie unique.Mais ils utilisent les mêmes arguments qu’en 1992 et 2005 !
Ils nous disaient en 1992 que ce serait le chaos si on ne votait pas pour la monnaie unique.
Ils nous disaient en 2005 que ce serait le chaos si on ne votait pas le projet de constitution européenne.
Et aujourd’hui les mêmes nous disent – les étrangleurs – que ce serait le chaos si un ou plusieurs pays quittaient la zone euro.

À cet égard, le journal Le Monde, toujours à la pointe de l’européisme – l’européisme est à l’Europe ce que le nationalisme est à la nation – a fait deux pages entières, le 15 décembre, qui méritent qu’on s’y arrête un instant.
Le titre est « L’euro va-t-il tuer l’Europe ? ».
Sous-titre :

- « Qui serait prêt à renoncer à la monnaie unique ?
- Quels sont les scénarios de sa disparition ?
- Quels seraient les effets d’un éclatement ? »

Dans cet article, l’incompétence, feinte ou réelle, le dispute à la mauvaise foi. Le Monde, bien sûr, s’appuie sur le dernier numéro de l’hebdomadaire britannique The Economist, icône de la pensée unique ultralibérale, qui affirme que « Démanteler l’euro n’est pas impensable, seulement très coûteux ».Mais c’est exactement l’inverse !C’est l’euro, aujourd’hui, qui est couteux !Il est très coûteux pour les classes populaires et moyennes.Car c’est bien soi-disant pour le « sauver » que l’austérité a été décrétée dans toute l’Europe !


Le Monde imagine trois scénarios :
1.- Le départ d’un pays dit « périphérique ».
2.- Le départ de l’Allemagne.
3.- L’explosion de la zone euro.


Faute de temps, je n’évoquerai que le premier point.
À partir de l’exemple de la Grèce et de l’Irlande, Le Monde explique que la sortie de ces deux pays de l’euro aurait pour but de revenir à leurs monnaies nationales et de les dévaluer.Cela leur permettrait, selon Le Monde, de développer leurs exportations, de relancer leur croissance et de réduire leurs déficits publics.Si tel est le cas, qu’attendent ces pays pour sortir de l’euro puisqu’ils pourraient améliorer leur situation ?Le Monde nous explique alors que « cette stratégie comporte de graves dangers ».Diable !


Le premier danger serait une « panique bancaire », les déposants grecs et irlandais retireraient leur argent des banques.C’est faux !Ce risque est loin d’être évident, rien n’indique qu’une « panique bancaire » se produirait.D’ailleurs si les Grecs, les Irlandais ou les déposants de tout autre pays retiraient leur argent des banques, qu’en feraient-ils ?Si vous, qui êtes là ce soir, retiriez votre argent des banques, qu’en feriez-vous ?Le mettre sous votre matelas ?Dans une lessiveuse ?Dans une banque à l’étranger ?Soyons sérieux !Comme l’euro sera remplacé par la drachme, la livre irlandaise, le franc français, etc., ceux qui auront retiré leur argent en euros devront obligatoirement le convertir en drachmes, livres irlandaises, francs français, etc. s’ils veulent continuer à payer leurs factures.
La raison ?La drachme, la livre irlandaise, le franc français, etc., ne seront pas convertibles avec l’euro.
Évidemment !Non seulement le risque de « panique bancaire » n’est absolument pas certain, mais s’il se réalisait il n’aurait aucun effet.

Pour continuer à affoler la population, Le Monde imagine un second risque qui serait l’ « écrasement des ménages, des entreprises et des États grecs et irlandais » sous le poids de leurs crédits libellés en euros.Là, c’est franchement stupide !Car le retour aux monnaies nationales se ferait exactement dans les mêmes conditions que le passage des monnaies nationales vers l’euro en 2002, mais en sens inverse.Ceux qui avaient alors des crédits libellés en livres irlandaises, en drachmes, en francs français, etc., ont vu ces crédits tout simplement convertis en euros.Par un simple jeu d’écriture !


Le troisième risque que Le Monde veut mettre en avant est que les banques européennes « possédant des obligations grecques ou irlandaises enregistreraient de lourdes pertes ».Oui, là c’est vrai !
Ouf !Enfin un argument à peu près intelligent.Hélas, notre joie sera de courte durée car Le Monde ne va évidemment pas au bout du raisonnement. Je voudrai le dire clairement : c’est tant mieux si les banques qui ont spéculé sur la dette des États grecs et irlandais, mais aussi portugais et espagnols et bientôt français, réalisent de « lourdes pertes ».  Pourquoi ?Parce que cela fera baisser le prix des actions des banques. Les banques ne vaudront plus rien.Ce sera alors le moment de les nationaliser – toutes – par achat de leurs actions par les États. Comme nous sommes tous ici, je le suppose, des boursicoteurs avisés, nous savons qu’il faut acheter « à la baisse », comme on dit ! Ensuite, ce sont les banques centrales des pays concernés – évidemment pas la Banque centrale européenne – qui pourront les recapitaliser, comme le fait la banque centrale américaine, la Fed.Mais il y a plus.


Le Monde voit un quatrième risque, il nous dit que « un pays qui sort de l’euro risque de perdre énormément en crédibilité vis-à-vis des investisseurs ». Le malheureux journaliste qui écrit cela n’a pas compris – ou fait semblant de ne pas comprendre – qu’il faut mettre un terme au financement des États par les marchés financiers. Il faut libérer les otages ! C’est-à-dire libérer les États qui se sont volontairement mis dans les griffes des marchés financiers. Comment faire ? En fermant le marché obligataire ! Les États ne se financeraient plus sur le marché obligataire qui n’existerait plus, mais de trois manières simultanées :

- en faisant appel à l’épargne nationale ;
- en imposant des quotas d’achat de titres d’État aux banques et compagnies d’assurance ;
- en vendant des titres d’État à la banque centrale de chaque pays concerné (pas à la BCE !).

Fini le besoin de « rassurer » les marchés financiers ! Au revoir, les agences de notation, il n’y aura plus rien à noter ! Bye-bye les traders et leurs bonus, il n’y aura plus rien à trader ! Adieu les CDS (Credit Default Swaps), ces produits financiers hyper sophistiqués qui servent à spéculer sur la faillite des États ! Cette double page du Monde résume la campagne en cours. Quelle incompétence ! Quelle bêtise ! Quelle manipulation de la population ! Il faut faire comme pour le référendum de 2005, et retourner l’opinion publique ! Nous y sommes parvenus en 2005, nous y parviendrons en 2011 et 2012 !

Chers amis et camarades,

Dans cette tâche exaltante qui est la nôtre, celle de la gauche de gauche – de la vraie gauche – nous avons des raisons d’espérer.
En effet, une série de sondages, menés dans plusieurs pays, montrent une montée du mécontentement populaire vis-à-vis de l’euro.
En mai 2010, un sondage du Nouvel Observateur montrait que 29% des Français interrogés voulaient quitter l’euro, dont 42% des ouvriers et 38% des employés.
En juin 2010, un sondage réalisé en Europe par un institut américain (The German Marshall Fund of the United States), faisait apparaitre les réponses suivantes à la question « L’euro est-il une bonne chose pour l’économie ? » :

- France : 67% de non
- Portugal : 60% de non
- Espagne : 56% de non
- Allemagne : 55% de non
- Italie : 53% de non

En novembre 2010, un sondage en Allemagne montrait que 60% des personnes interrogées pensaient que l’Allemagne avait été perdante en adoptant l’euro, 57% pensaient qu’il aurait fallu conserver le mark.
Début décembre 2010, toujours en Allemagne, un sondage montrait que 36% des personnes interrogées souhaitaient revenir au mark.
À la même date, un sondage au Portugal montrait que 29% des personnes interrogées voulaient sortir de l’euro.
C’est excellent !
Ça monte, et ça va encore monter !
Ce sont les milieux populaires – ouvriers, employés, peu ou non diplômés – qui sont les plus nombreux à contester l’euro ou même à vouloir en sortir. C’est-à-dire l’électorat traditionnel de la gauche.
Attention à ce que la gauche ne décroche pas de son électorat et qu’elle offre ainsi un boulevard aux forces d’extrême droite, nationalistes et xénophobes, qui s’engouffrent dans la brèche !
La question de la sortie de l’euro – et plus globalement l’analyse que l’on fait du système de l’Union européenne – fait débat à gauche.
Nous ne sommes pas tous d’accord. Il faut mener ce débat tranquillement, avec des arguments, sur la base d’une connaissance rigoureuse et solide de mécanismes pas toujours évidents à comprendre.
Nous devons tous faire un effort de formation, de compréhension de la politique monétaire et du fonctionnement des marchés financiers. C’est la condition pour, ensuite, aider la population à s’y retrouver en lui donnant les bonnes informations et les bonnes explications.
Je vous remercie.

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