Eh hop, on a la transcription de la dernière video que j'ai mise en ligne de Jacques Nikonoff grâce au travail d'Audrey, ma très fidèle et très efficace transcriptrice depuis de nombreuses années!! A faire circuler!! ( le texte est en téléchargement là). Moi, ce que j'aime dans ce texte, c'est que Jacques Nikonoff prend de la hauteur et parle de la logique générale de l'offensive contre les retraites ! Ca évite de chicaner sur des détails....
Les enjeux de la bataille des retraites, par Jacques Nikonoff
Intervention de Jacques Nikonoff, porte-parole du Mouvement politique d'éducation populaire (M'PEP) au Meeting Unitaire sur les Retraites – 11 Juin 2010- Asnières les Bourges (18)
D'abord dans cette bataille, il y a évidemment un enjeu en économique qu'il est celui qui est recherché par les classes dirigeantes et qui a été défini il y a déjà un certain nombre d'années, au début des années 90, dans un rapport de la Banque Mondiale qui explique quel est le schéma d'organisation des retraites qui doit s'appliquer à l'échelle planétaire. Et ce rapport de la Banque Mondiale définit le système idéal, pour le système capitaliste évidement, autour de trois piliers.
Les trois piliers de l'organisation des retraites.
Un premier pilier qui ressemblerait à notre assurance- vieillesse de la sécurité sociale, qui serait un système obligatoire par répartition, mais le plus faible possible. Il faut écraser, réduire au maximum ce premier pilier pour pouvoir développer un deuxième pilier qui serait cette fois-ci un autre système obligatoire, mais cette fois-ci par capitalisation, c'est-à-dire des fonds de pensions obligatoire. Et puis troisième pilier le plus vaste possible, un système individuel, facultatif, par capitalisation, des fonds de pension individuels.
C'est le schéma qui est appliqué depuis des années et des années dans tous les pays selon les rythmes différents selon les rapports de forces. Et quand ils trouvent des résistances, eh bien ils attendent un petit peu et il reviennent à la charge. Donc c'est un combat infini, qui n'aura pas de fin, tant que le système sera le même.
La logique de ce système
Et pourquoi font-ils cela? Ils font cela parce que les libéraux ont une conception de l'économique qui est simpliste. Il faut de l'épargne. C'est pour cela qu'on voit depuis des années et des années des système d'aide à l'épargne, des carottes fiscales, pour encourager les gens à épargner: épargne salariale, privatisations, achat d'actions par les salariés, toutes sortes d'aides pour encourager l'épargne.
Deuxièmement, ils se disent que, quand il aura suffisamment d'épargne, cette épargne pourra se diriger vers les entreprises sous la forme d'actions: on va donc apporter des fonds propres aux entreprises qui vont pouvoir investir.
Troisième étape, avec ces investissements, les entreprises vont pouvoir améliorer la productivité, leur compétitivité, baisser les prix, gagner des parts de marché, créer des emplois et de la croissance économique.
C'est merveilleux comme système et comme logique...mais ça ne marche pas! On le voit bien. En fait, leur conception de l'économie, c'est ce système qui alimente les profits; l'autre conception de l'économie, c'est de la faire fonctionner pour répondre aux besoins des humains, aux besoins des populations.
Donc autour de cet appel de retraite, il y a évidemment un enjeu qui est celui de pouvoir, pour le système, générer du profit comme il ne l'a jamais fait jusqu'à présent.
L'enjeu social
Enjeux sociaux. Je crois qu'ici il ne doit plus y avoir grand monde qui croie au mythe du modèle social européen quand bien même quelques-uns y auraient cru. Avec ce qui se passe en ce moment, il est tout a fait clair qu'il n'y a plus de modèle social européen, si jamais il y en avait eu un un jour. Et je voudrais faire le lien avec les retraites, parce que je voudrais citer un individu que certains ont peut-être encore en mémoire qui s'appelle Hans Tietmeyer qui était président de la Bundesbank, la banque centrale allemande, il y a quelques années au moment de la création de l'euro justement. Et alors, que nous disait ce brave homme, au moment de la création de l'euro ? Voilà ce qu'il disait pour expliquer le rôle de l'union européenne et de l'euro. Il disait: « La concurrence entre les systèmes de protection sociale sera plus forte pas seulement vis-à-vis des non-européens, mais aussi à l'intérieur de l'Europe. Il faut de la concurrence entre les systèmes fiscaux tout comme entre les systèmes de protections sociales nationaux ». Vous avez compris... A quoi sert la concurrence ? A faire baisser les prix... Si on met les systèmes sociaux en concurrence, c'est bien pour faire baisser la qualité des systèmes sociaux. Ca sert à ça, l'Union Européenne et l'euro.
Caresser les marchés dans le sens du poil.
Troisième enjeu, les enjeux financiers. Il y a une expression qui est utilisée du matin au soir en ce moment : « il faut rassurer les marchés financiers ». Les rassurer, c'est comme des créatures, ils sont fébriles, ils ont peur, il faut les rassurer, il faut les caresser dans le sens du poil ! Et comment fait-on pour les caresser ? Eh bien il ne faut pas leur donner l'impression que l'on a des dettes. Donc, comme il y a avec l'évolution démographique une situation qu'il faut gérer, eh bien, modifier les systèmes de retraite, réduire les cotisations, allonger les durées de cotisations, ça va rassurer les marchés financiers. C'est ce que nous dit Sarkozy. Une des explications de la réforme, disons de la nouvelle destruction des retraites c'est qu'elle est faite pour rassurer les marchés financiers.
Une situation plus difficile à comprendre
Et j'ajoute une petite parenthèse, la situation d'aujourd'hui, cette bataille des retraites de 2010 n'est pas la même bataille que celles qui ont été menées avant sur les retraites, elle est plus compliquée. Elle est plus compliquée parce que s'ajoute des éléments qui n'existaient pas avant avec une telle acuité.
-La question des marchés financiers: on voit bien aujourd'hui que le lien entre protection sociale et marché financier est beaucoup plus étroit qu'on ne l'avait évoqué dans les années passées.
-Et puis également le lien entre protection sociale retraite et systèmes de Bruxelles, système européen, euro. On voit qu'il y a des liens nouveaux que l'on comprend mieux, mais qui rendent en même temps la compréhension du problème plus compliqué pour le gens parce que ça fait beaucoup de choses en même temps qui se mélangent et il faut s'expliquer de manière beaucoup plus précise qu'on a pu le faire jusqu'à présent.
-Et puis un enjeu démographique.
L'argument du vieillissement de la population
Enjeu démographique évidement parce que l'argument central est de dire qu'il y a un vieillissement de la population. On donne des chiffres aujourd'hui: il y a quelques années, 15 % de la population sont des personnes âgés de plus de 65 ans et d'ici 2042, ou 2050, 27 %. 1,8 actifs pour payer un retraité aujourd'hui, 1,2 en 2040. Donc on nous dit: « Vous voyez, ça ne peut pas marcher ». Et les gens se disent: « Oui, oui, c'est vrai s'il a cette évolution démographique, s'il y a moins de gens qui travaillent pour payer les retraites, forcément quelque chose ne fonctionne pas ». Eh bien, c'est faux.
C'est faux à double titre. D'abord n'y a pas de vieillissement de population ! La notion de vieillissement de la population est une notion idéologique. Ce n'est pas une notion scientifique. La notion, l'appellation, scientifique, c'est « allongement de l'espérance de vie ». Et déjà dans les mots, vous voyez la différence. D'un côté le concept libéral de « vieillissement » est un concept négatif, pessimiste, qui vise à accabler, culpabiliser les retraités et l'ensemble de la société, a démoralisé la population. « Espérance de vie », c'est beaucoup plus poétique, ça correspond mieux la réalité, c'est quand même une bonne nouvelle de pouvoir vivre plus longtemps et en bonne santé! Or ils tentent de transformer cette évolution positive en catastrophe.
La question de la productivité
Deuxième chose, c'est la manière dont on peut résoudre le problème. Je pense qu'il y a un argument qui est utilisé régulièrement sur lequel il faut revenir encore une fois. En 1960, il y avait 3 millions d'agriculteurs qui nourrissaient 40 millions de Français. Cet argument a des limites évidemment puisque il y a la mal-bouffe. C'est la limite de l'argument. En 2010, il y a 400 000 agriculteurs qui nourrissent 60 millions de Français, plus des exportations. Que s'est-il passé ? C'est la productivité. Et donc ça n'est pas parce qu'il y a moins de gens qui travaillent pour payer les retraites que ça pose un problème; c'est un faux argument.
Nicolas Sarkozy se joue des divisions de la Gauche.
Enjeu politique, un mot. Sarkozy a bien compris que la question des retraites divisait la gauche. La gauche est divisée, la gauche politique, la gauche syndicale, la gauche associative est divisée sur la question des retraites. C'est le moyen de se refaire une santé après la déculottée qu'il a prise aux régionales pour les présidentielles. Il laboure le terrain. Et ça ne marche pas mal. Ça marche. Il faut le reconnaître...
Créer l'insécurité dans le corps social.
Et puis le dernier enjeu, enjeu idéologique: la question des retraites, c'est un objectif qui vise à alimenter la politique de la peur, alimenter la politique de la peur en organisant l'insécurité. Il s'agit d'étendre aux retraités l'insécurité qui a été organisée chez les actifs.
Et je voudrais terminer sur une dernière petite citation. C'est un rapport du Fond Monétaire International qui date de 1997, qui explique très bien les choses, et qui dit la chose suivante: « il faut forcer les gens à épargner, ce que je vous disais tout à l'heure, pour leur retraite en orientant les fonds de manière stable et permanente vers les investissement dans le secteur privé; un système de retraite par répartition peut déprimer l'épargne nationale parce qu'il crée de la sécurité dans le corps social ». C'est clair et net. C'est un objectif idéologique.
Je termine. Les Echos de ce matin : « le nombre de millionnaire a cru de 14 % de 2009 ».
Les Echos d'il y a deux jours : « Les taux de distribution de dividendes battent des records en France et en Europe ». Et puis un petit graphique, la part des salaires dans la richesse réelle qui s'écroule depuis 82, ce qui permet de financer les retraites. Ces 170 milliards qui ont disparu de la poche des salariés, eh bien c'est avec ça qu'on va financer les retraites !
Transcription faite par Audrey d'A
Commentaires
Pour ma part, je refuse de donner un centime au système financier. J'espère que tous les Français s'uniront comme un seul homme contre ce projet inique !