Il est loin le temps où je proposais benoîtement le projet de Des Sous et des Hommes à Inter...Mais je sens que je vais m'y remettre... Mon émission à moi s'appelera "Les baisés de l'Histoire". Pas "Ils changent le monde" comme celle de Caroline Fourest diffusée actuellement de 13h30 à 14h.
C'est que j'ai au moins failli mourir deux fois cet été. Le 9 Juillet, quand j'ai entendu une longue interview de Michel Barnier, puis le 11 quand j'ai entendu celle de Mathieu Pigasse. Vous me direz que Ils changent le monde a quelques ressemblances avec Des Sous : Caroline Fourest laisse bien à ses invités la possibilité de s'exprimer longuement, elle a une écoute bienveillante cherchant à faire ressortir la cohérence des propos tenus... Ouais, certes. Mais il y a quelque différence entre laisser le temps de parler à celui qu'on n'entend jamais ou presque dans les médias, et offrir un boulevard sans la moindre velléité de remise en perspective à celui qui a déjà tous les moyens de se faire entendre... Parce que de velléités de remettre en pespective , de s'interroger, de montrer d'éventuelles contradictions avec la réalité, point !Même l'émission avec Tristan Lecomte, ancien d'HEC qui a travaillé chez l'Oréal, puis fondateur d'AlterEco, un gros label de commerce équitable, m'a donné de l'urticaire: plus facile de gérer un tournant vers une activité qui a du sens quand on a l'argent nécessaire pour voir venir et même éventuellment se rater... Mais cela, Caroline Fourest ne l'envisage même pas et se contente de tresser des flopées de couronnes...
Les baisés de l'Histoire? C'est Frédéric Lordon qui m'a donné l'idée de ce titre: il a utilisé ces mots pour désigner ceux qui crient dans le désert depuis bien longtemps sans accès aux médias - avant que leurs propos ne soient repris par d'autres, mais sans qu'ils ne désirent évidemment les conséquences de ce qu'ils dénoncent, eux...
Dans Les baisés de l'Histoire, on pourra entendre Frédéric Lordon, donc, mais aussi Jacques Sapir, et puis tiens, Jacques Nikonoff - et puis d'autres que je trouverai.. " Nous avons voulu savoir comment ils ont fait pour devenir influents et ce qu’il ont fait de ce pouvoir. Histoire d’avoir une idée du monde qui se prépare.", dit Caroline Fourest dans la présentation de son émission. Nous, on voudra savoir pourquoi ce qu'ils disent fait si souvent l'objet d'omerta, pourquoi ils ne peuvent devenir réellement influents, histoire d'avoir une idée du monde que les puissants ne veulent pas. Dans la foulée, on interviewra les Pinçon-Charlot, et puis Laurent Mauduit par exemple. Et puis on rencontrera Jean-Claude Michéa, essentiel, puis Dany-Robert Dufour ( et pas Bernard-Henri Lévy, comme c'est prévu pour le 16), puis Luc Boltanski.Puis Christophe Guilly. Et puis d'autres...
Et puis on interviewra des historiens et des sociologues qui nous raconteront que "ceux qui changent le monde", ce sont des collectifs, pas des individualités (et d'ailleurs, même si Caroline Fourest semble l'ignorer, les "individualités" qu'elle nous présente sont bien les représentants de collectifs, eux aussi, mais plutôt de collectifs qui ont le pouvoir...).
On brassera les idées. Pas celles que l'on entend partout.
14 Juillet aujourd'hui... Un jour, les baisés de l'Histoire ont été ceux qui ont changé le monde.
Et il est bien dommage que Caroline Fourest se fasse l"écho des partisans de l'Ancien Régime...
Commentaires
Vrai ?
Entièrement d'accord.
J'ai écouté 2 ou 3 bouts d'émission (notamment celle avec Tristan Lecomte) et ... depuis, je n'écoute plus !... Encore une fois, on donne la parole aux gens qui l'ont déjà trop.
Et à propos des "Baisés de l'histoire", le 14 juillet en est quand même un bel exemple, puisqu'on ne fête pas en réalité la prise de la bastille par le peuple révolutionnaire du 14 juillet 1789, mais plutôt la "réconciliation" du 14 juillet 1790. Ce jour là, une grande fête de la Fédération est organisée sur le Champ-de-Mars, en face de l'école militaire. L'idée est de symboliser l'unité nationale autour des députés et du souverain. Sur la grande esplanade, entourée d'immenses tribunes où se pressent des dizaines de milliers de Français, se dresse l'autel de la patrie. Sur cette plate-forme de six mètres de haut, Talleyrand, alors évêque d'Autun, célèbre une grand-messe, assisté par trois cents prêtres et de quatre cents enfants de choeur ! Te Deum, coups de canon, défilés des représentants des départements français... À la fin de la grandiose cérémonie, le roi s'avance et jure de maintenir la Constitution et d'être fidèle aux lois : Marie-Antoinette soulève son fils, la famille royale est acclamée, ainsi que le dauphin...
Chaque année, le 14 juillet, c'est donc la fête des "baisés de l'histoire" ou le peuple croit fêter sa libération par la révolution, mais ou en réalité il fête le retour à sa propre soumission, le retour à l'ordre.
D’où la grande pompe et l’indéboulonnable défilé militaire qui n'ont, vous en conviendrez, aucun rapport avec 1789.
A bientôt Pascale, pour une nouvelle émission "Les baisés de l'histoire", sur l'antenne de France Inter ? (A la place du "Téléphone sonne" par exemple, c'est la meilleure heure de grande écoute !)
Bel été à tous
En tout cas merci pour vos interviews, tout ça fait du bien à la tête !
Tu sais Pascale, nous définitivement on te suit ...
Comme "baisés de l'histoire", de vraies têtes de gondoles !
Merci à Luc pour ce rappel historique.
J'ai peut être mal regardé mais je n'ai pas trouvé de lien sur ton site vers Les vidéo des conférences des Rencontres Déconnomiques qui se sont passées à Aix il y a une quinzaine de jours. Pas eu le temps de tout écouter mais vu la qualité des intervenants il doit y avoir pas mal de pépites!
http://www.deconnomistes.org/
Bah tiens c'est marrant ça, sans vous avoir lu j'ai écrit à peu près la même chose dans plusieurs commentaires sous ces émissions lamentables... J'ai même cité les noms que vous nous sortez ici (http://www.franceinter.fr/emission-ils-changent-le-monde-jean-louis-beffa): les grands esprits se rencontrent.
Il fut un temps où j'admirais Caroline Fourest, c'était l'époque où l'on ne l'entendait pas sur toutes les ondes à tout moment parler de tout et de n'importe quoi. C'était l'époque où elle ne parlait généralement que de ce qu'elle connaissait assez bien : intégrisme, République, laïcité, multiculturalisme. Je l'appréciais très fort car elle tenait un discours nuancé et clair, avec lequel je suis toujours d'accord au demeurant. Puis la mue éditocrotte arriva on ne sait comment, un soudain engouement des médias pour sa personne et une pluie de temps de parole lui fut accordée. Elle se mit alors à parler, parler, parler. De tout et de rien - surtout de tout. Il n'y avait pas un seul sujet qui échappait à sa fureur généraliste, et l'on pouvait alors l'entendre cancaner sur l'air dominant du libéralisme : austérité inévitable, euro à tout prix, Grèce paresseuse et tricheuse, Mélenchon=Le Pen, vive l'Europe, etc. La rengaine habituelle, quoi.
Il fut un temps où je tolérais cela, appréciant ses interventions sur la laïcité, les révolutions arabes (soutien aux laïques et mépris pour l'islamisme "modéré"), le FN, j'en passe. Mais en découvrant cette émission je suis tombé sur mon cul. La voilà désormais au-delà du stade de l'éditocratie: elle sert maintenant littéralement et explicitement de servante du pouvoir, apologue de ceux qui le détiennent et porte-parole des libéraux extatiques. Pigasse de gauche, non mais je rêve ! Et BHL par dessus le marché !
Cette émission est un peu une sorte de caricature inversée de ces émissions puant la démagogie façon Ménard. Hors de l'Elite, point de salut ! Et bien sûr, loin d'eux l'idée d'imaginer une seule seconde penser que le changement du monde puisse être le fruit de l'action collective. Non, en libéralie, et contre Michelet, ce sont "les individus qui font l'Histoire". On appréciera...